Dernière descente pour l'homme poisson

Publié le par MONDEBLEU

L'apnéiste français Loïc Leferme, 36 ans, est décédé d'un arrêt cardiaque le jeudi 11 avril 2007 en fin de matinée alors qu'il effectuait une plongée d'entraînement, en rade de Villefranche sur mer (Alpes Maritimes), dans la discipline extrême de l'apnée « No Limits ». C'est une plongée dite en poids variable où l'apnéiste descend en profondeur avec une gueuse (35kg) et remonte à l'aide d'un parachute gonflé à l'air. La difficulté principale consiste à encaisser l'extrême pression à de telles profondeurs. Pour son record du monde de 2004 à -171 mètres, Loïc a encaissé une pression de l'ordre de 19 kg/cm2. Ainsi, il prônait une progression lente et adaptée afin que son corps puisse se modeler physiquement et s'adapter physiologiquement et mentalement à mesure qu'il plongeait plus profond. Il avait la mesure des choses et connaissait très bien les risques liés à sa pratique, c'était loin d'être un fou des abysses.
L'accident est survenu à 11h40 alors que Loïc remontait vers la surface, après être descendu à -171 mètres, son record du monde de 2004.
Lors de sa remontée et pour des raisons encore indéterminées, la corde s'est bloquée à cause de quelque chose sous l'eau. L'équipe a donc appliqué la procédure d'urgence et un plongeur est descendu chercher Loïc à -20 mètres qui était plus qu'en syncope à ce moment là. Les premiers soins lui ont été prodigués sur place avant d'être transporté rapidement chez les pompiers au port de Nice.
Loïc et son équipe utilisait un système de contre poids.
Ce système se présente sous la forme d'un balancier, il a été mis au point par l'équipe niçoise du CIPA (Centre International de Plongée en Apnée) soucieuse des problèmes de sécurité pour l'apnéiste en profondeur. Il permet la remontée de celui-ci avec la gueuse en cas de problème; l'apnéiste étant longé au parachute de remontée.
C'est un système ingénieux et révolutionnaire qui n'est sans doute pas à remettre en cause.
Loïc était rigoureux dans ses entraînements et se refusait à effectuer toute descente en « No Limits » avant même d'avoir réglé la question de la sécurité pour lui-même et ses plongeurs d'assistance. Son palmarès est éloquent, 5 fois recordman du monde d'apnée « No Limits », en 1998, il établi son premier record de France dans la discipline avec -118 mètres, il devient le troisième français à atteindre ces profondeurs après Jacques Mayol et Cyril Isoardi (également décédé lors d'une plongée d'entraînement « No Limits »). Le 5 juin 1999, c'est son premier record du monde avec une plongée à -137 m, puis -152 m en juin 2000, -154 m août 2001, -162 m en octobre 2002 et -171 m le 30 octobre 2004. L'autrichien Herbert Nitsch lui avait ravi le record en plongeant à -172 m en 2005 et -183 m le 28 août 2006. Cette année, ainsi avait-il décidé de reconquérir son titre, et des récits disaient de lui qu'il était très en forme.

Loïc ne parlait pas de record mais plutôt d'une quête personnelle, d'un voyage intérieur.
Humble, il l'était.

Au-delà des records, Loïc vivait pleinement sa passion, il plongeait pour se faire plaisir avant tout mais également aimait transmettre son savoir au sein de l'école d'apnée niçoise qu'il fonda en 1999 aux côtés de Claude Chapuis, son "mentor". Capitaine de l'équipe de France d'apnée AIDA, parrain d'évènements sportifs, invité d'honneur, ambassadeur de la dernière campagne « Capital Souffle » du ministère de la santé, il était reconnu et apprécié de tous, tant pour sa simplicité que sa générosité.
Il était entouré d'une équipe volontaire, compétente et réfléchie qui s'est illustrée auparavant dans les records de Loïc ou encore dans l'organisation de compétitions d'apnée internationales.
Certains diront que l'homme n'a pas sa place à de telles profondeurs, alors, à ceux qui tiendront des propos acerbes, fustigeront cette discipline ou même l'équipe, de leurs dire que la polémique n'a pas sa place, fatalité ou circonstances tragiques, Loïc était conscient des risques, les mesurait et les acceptait. Mais comment résister à l'appel des profondeurs quand on y a goûté une fois.
Aujourd'hui j'ai beaucoup de peine et pense à la famille, sa femme Valérie et ses deux enfants.
Je pense aussi à Cédric, François, Guillaume, Julie témoins privilégiés d'une aventure hors du commun qui marquera à jamais l'histoire de l'apnée moderne.
Désormais, il laisse un vide immense dans le monde de la plongée.

Adieu l'ami...

 

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